samedi 26 décembre 2009

Globalisation à la sauce Dickner

L'écrivain généraliste Nicolas Dickner, auteur de Nikolski et de Tarmac, chronique dans le journal Voir. Une portion d'intelligence et d'invention qui me réjouit à chaque semaine. Sa chronique du 9 décembre, 80% coton, 20% polyester est un bijou. Je l'ai lue à mes invités le jour de Noël et ils m'ont encouragé à vous la recommander!

Noël à la Kunstler

Pas toujours facile à citer, l'ami Kunstler. L'auteur de The Long Emergency et World Made by Hand, entre autres, est un pamphlétaire souvent virulent sur son blogue kunstler.com.

Il concluait ainsi sa chronique du 14 décembre, intitulée Hostage Situation (traduction libre):

Ne pouvons-nous imaginer un meilleur rêve américain, même en incluant Noël? Je pense que nous le pouvons. Il faudrait libérer les psychés des états-uniens de leur soumission à tout ce qui est gros, dans leur travail, leurs cultes et leurs loisirs. Si vous croyez que Barack Obama est l'otage de Wall Street, interrogez-vous un moment sur la reddition volontaire des états-uniens face à la tyrannie de tout ce qui les rabaisse au niveau de simples « consommateurs ». Nous sommes en route — et nous ne nous en rendons pas compte — vers une nation à nouveau composée de communautés où la réputation compte vraiment et où celle-ci repose sur la cohérence entre vos actes et l'authenticité. Plusieurs iront sur ce chemin à reculons et en se lamentant. Bien des nuits obscures, froides et humides nous attendent sur la route. Mais nous arriverons à un endroit où les âtres brillent de tous leurs feux et où les fantômes oubliés de notre fibre nationale nous attendent: courage, patience, générosité, humour. Voilà un Noël qui méritera d'être vécu et dont on voudra se souvenir!

jeudi 1 octobre 2009

Buffet complet

C'est le titre d'un blogue iconoclaste, œuvre d'amis de Montréal. Iconoclaste ne veut pas dire innocent. Les politiciens y en prennent pour leur rhume... ainsi que les élites qui les dirigent.

Ici, il s'agit des banquiers dans un « faites ce que je dis, pas ce que je fais » révélateur.

Annonce

Ce que j'ai écrit à propos des Initiatives de Transition jusqu'à maintenant vous laisse sur votre faim ? Voilà l'occasion de satisfaire votre appétit !

Villes en Transition
Journée d’information le 7 novembre 2009 de 9h à 17h
local A-2860, Pavillon Hubert-Aquin de l’UQÀM

400, rue Sainte-Catherine est, Montréal

La journée est organisée par le Comité provisoire québécois des villes en transition avec la collaboration d’Aliments d’ici, de Post-Carbone Montréal, du Réseau québécois pour la simplicité volontaire, du Mouvement québécois pour une décroissance conviviale et du Groupe de recherche d’intérêt public de l’UQAM pour faire connaître l’initiative des Villes en transition (Transition towns).

Cet étonnant modèle de mobilisation citoyenne — qui a démarré en Irlande avant d’essaimer en Europe et outre-mer — connaît partout un franc succès. L’expérience concrète de centaines de collectivités dites en Transition suscite de l’intérêt partout où des gens soucieux de l’avenir de la nature et de l'humanité s’interrogent sur les moyens à prendre pour œuvrer à un avenir meilleur.

L'approche positive des Villes en transition part de ces constats :
  • l’arrivée du pic pétrolier et sa conséquence sur le coût du transport et de la production de nombreux biens de consommation courante (dont les aliments);
  • le réchauffement climatique et les désordres qui perturbent déjà beaucoup de communautés de la planète.
Suite à ce double constat, les communautés locales (quartiers, villages, petites villes) peuvent se mobiliser sans attendre, chacune à leur manière, afin d’utiliser au mieux leurs ressources et d’améliorer ainsi leur capacité à répondre à leurs besoins malgré les difficultés à venir (leur résilience). Le rapatriement au niveau local des services nécessaires diminue les gaz à effet de serre, réduit la consommation de ressources et contribue à une société plus conviviale, plus autonome et plus sécuritaire.

Des informations sur les ressources déjà disponibles sur le Net et auprès des groupes présents seront disponibles sur place.

Afin de nous permettre de bien planifier cette journée, veuillez confirmer votre présence par courriel en précisant le nom de chaque personne et son lieu de résidence. Inscrivez-vous rapidement à : quebec@villesentransition.net

Une contribution de 10$ (payable sur place à l’arrivée) permettra de couvrir les frais. Le nombre de places est limité.

Programme de la journée

9h00 Ouverture
Petite histoire du mouvement (Michel Durand*)

9h50 Le pic du pétrole et ses conséquences éventuelles (Normand Mousseau**)

10h20 Pause

10h40 Agir concrètement pour lutter contre les gaz à effet de serre
(Serge Mongeau***)

11h10 La mise en marche d’un projet de Ville en transition

12h00 Pause repas

13h30 Des expériences concrètes de Villes en transition :
  • Coaticook, Sutton et Ottawa (représentantEs à confirmer);
  • ailleurs dans le monde (Michel Durand)
14h50 Pause

15h10 Ateliers-discussion : lancer un projet dans différents milieux
  • Atelier 1 : ville de taille moyenne ou quartier de grande ville
  • Atelier 2 : banlieue
  • Atelier 3 : village
16h00 Rapports des ateliers et plénière

16h30 Suites à donner à la journée

* Michel Durand a suivi la formation officielle dispensée par le réseau des Villes en transition et est l’auteur du Guide de la maison verte (La Presse, 2008).

** Normand Mousseau : Professeur agrégé au Département de physique de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal; auteur de
Au bout du pétrole (MultiMondes, 2008).

*** Serge Mongeau : Écrivain, auteur de L
a simplicité volontaire, plus que jamais... (Écosociété, 1998) et directeur de l’ouvrage collectif Objecteurs de croissance. Pour sortir de l’impasse: la décroissance (Écosociété, 2007).

lundi 21 septembre 2009

Avalanche médiatique

Il y a peu, j'ai signalé la parution d'un article significatif dans le Harvard Business Review et en ai traduit quelques extraits. Depuis, c'est l'avalanche : Foreign Policy sort un dossier sur le pétrole, le réputé hebdomadaire New Scientist consacre quatre numéros aux raisons d'être optimiste et même la vénérable revue Commerce qui y va de trois (oui trois !) numéros spéciaux consacrés à notre dépendance au pétrole. Il y en a bien d'autres où il est également question du climat, de la décroissance, de la Nature, etc. Tellement d'ailleurs que j'ai renoncé à en rendre compte et à en citer des extraits, sauf dans des cas exceptionnels.

Aucun de ces dossiers n'est parfait et quiconque étudie ces questions depuis un certain temps n'y apprendra rien. De plus, l'obligation d'offrir au lecteur un point de vue « équilibré » donne une importance disproportionnée aux jovialistes / négationnistes / désinformateurs de tout acabit. Cependant, il est très significatif que ce type de publications en traite d'une telle façon. Leur rôle n'est pas d'être à la fine pointe des phénomènes émergents, mais d'en rendre compte juste avant qu'ils deviennent répandus. Nous ne pouvons plus dire que les médias obéissent à l'omerta dominante.

Les projecteurs se tournent maintenant vers les politiciens. Ne retenons pas notre respiration... si on se fie à la récente entrevue accordée à l'ASPO USA par Robert Hirsch. Un résumé suivra bientôt...

Le coût des banlieues

Kunstler, l'auteur de The Long Emergency, publie une chronique hebdomadaire virulente et sans complaisance. Malheureusement, le ton est assez souvent injurieux ce qui limite sa diffusion. La chronique de cette semaine, Original Sin, est différente. Un survol historique bien ficelé sur l'interdépendance entre banlieues, pétrole et économie. Un must si vous lisez l'anglais !

vendredi 18 septembre 2009

Phosphore, cycle et pic

Le phosphore joue un rôle important dans nos corps et en agriculture. Le magazine New Scientist laisse entendre que la crise du phosphore est aussi grave que celles de l'eau et du pic pétrolier.

Un allié, Claude Saint-Jarre, se préoccupe de la question de l'alimentation dans la période pic de tout dans laquelle nous sommes entrés. Il a demandé son opinion à plusieurs personnes dont Patrick Déry du Groupe de recherches écologiques de La Baie (GREB).

La tenue d'une rencontre spécifique sur le sujet sera annoncée cet automne. La question est pertinente pour toute les initiatives de Transition à naître au Québec : pouvons-nous réellement, ici au Québec, nourrir toute notre population avec une agriculture fondée sur les principes de la permaculture et de l'agriculture biologique ?

Une chronique sur le phosphore écrite récemment Patrick Déry fournit de précieux éléments de réflexion.

jeudi 17 septembre 2009

Mot à mot honni

Les mots servent à exprimer les idées ; quand l'idée est saisie, oubliez les mots.
Tchouang-Tseu

Surprise de Harvard

J'ai récement feuilleté l'édition de septembre 2009 du prestigieux Harvard Business Review dont le thème était l'économie « verte ». Sans grande surprise, rien de bien nouveau dans ce dossier. Par contre, dans la section Forethought (prévision, anticipation), un titre m'a tout de suite frappé: Doing Business in a Postgrowth Society. Compte tenu du contexte, on peut dire que l'auteur James Gustav Speth n'y va pas de main morte. L'article commence ainsi:
Les dirigeants d'entreprises semblent supposer, à toutes fins pratiques, que l'économie des pays riches peut (et même doit) continuer à croître le plus possible malgré les preuves de plus en plus accablantes des effets néfastes de la croissance sur l'environnement, entre autres. Ils doivent s'habituer à l'idée d'une société sans croissance.
La croissance illimitée du PIB est aussi insoutenable que la croissance illimitée de la population. Pourtant, l'engagement envers la croissance économique sans fin persiste alors qu'elle cause plus de problèmes qu'elle n'en règle. Elle sape les emplois, les communautés, l'environnement, les sentiments d'appartenance et de continuité et même la santé mentale. Cette croissance nourrit une recherche forcenée d'énergie et d'autres ressources à l'échelle mondiale. Elle repose sur une société de consommation fabriquée par le marketing et qui ne satisfait pas les besoins humains les plus fondamentaux.
Bientôt, les pays développés évolueront vers le monde de l'après croissance où la qualité de vie au travail, la nature, les communautés et le secteur public ne seront plus sacrifiés sur l'autel de la sacro-sainte croissance du PIB et où les promesses illusoires d'expansion ininterrompue ne pourront plus servir d'excuses pour ignorer les besoins sociaux impérieux.
La crise économique nous enseigne déjà à vivre plus simplement. Le fait d'être moins tournés vers l'acquisition et la dépense (en partie parce qu'il y a moins à dépenser) aide les consommateurs (!) à redécouvrir que les choses vraiment importantes dans la vie ne se trouvent pas au centre commercial ou, même, ne sont en vente nulle part. Le matérialisme, nous le savons maintenant, est un poison pour le bonheur. [...]
Dans cet article, l'encadré Will Technology Alone Save Us? met en perspective la foi envers les solutions technologiques:
[...] faire face aux défis environnementaux tout en poursuivant une expansion économique rapide demanderait un rythme de changement sans précédent et extrêmement ardu.
Jusqu'à maintenant, la croissance a toujours annulé les gains technologiques destinés à protéger l'environnement. Il est concevable, par exemple, que telle innovation puisse réduire tel type d'émissions industrielles de moitié; mais si la croissance double le nombre d'usines, nous ne serons pas plus avancés. L'habitation, les appareils et les transports deviendront inévitablement plus efficaces sur le plan énergétique, mais ces gains seront annulés par des maisons plus grandes, une pléthore de nouveaux appareils et par une augmentation des distances parcourues. [...]
Ce M. Speth n'est pas le dernier venu. Il est le doyen de l'Université Yale. La surprise ne vient pas tant de la nature de ses propos, que du fait qu'ils aient été publiés dans ce magazine lu par un très grand nombre de gestionnaires de haut niveau. Son texte donne l'impression qu'il veut simplement réformer le système capitaliste et l'adapter aux nouvelles réalités. Une entrevue qu'il a accordée à TreeHugger révèle un peu plus le fond de sa pensée:
[...] Nous avons besoin de consacrer plus de temps à imaginer un nouveau narratif qui nous rassemble. [...] Nous avons besoin d’un conception alternative de ce que l’économie est réellement.
L’expression « économie soutenable » m’attire. L’économie devrait réellement être l’instrument qui soutient les communautés, le bien-être humain et la nature. [...] Pour le moment, l’économie n’est qu’une fin en soi... au service des puissants. Elle n’existe pas pour nos communautés. [...]
Le capitalisme et le socialisme ne sont que des concepts sur le mode de propriété. Cette lutte à propos de qui possèdera quoi est moins importante aujourd’hui que la lutte pour trouver un sens à tout ça. Qui l’économie sert-elle réellement? Il s’agit moins de savoir qui possède que de savoir qui l’économie soutient. [...]
Plus loin, à propos du mouvement environnemental:
Pendant toutes ces décennies, le discours environnemental a été dominé par les avocats, les économistes et les scientifiques. Ce discours faisait l’affaire puisque nous sentions fondamentalement que la population suivait. Ce qui était le cas dans les années 1970. Mais Reagan a fait campagne contre l’environnement en 1980 et il a gagné.
[...] Le rôle primordial de la motivation, de l’esprit et du cœur nous avait échappé à l’époque, mais nous le voyons mieux aujourd’hui, je l’espère. Ce sont des sources d’action de nature psychologique et philosophique. Les arts, la littérature et la poésie y jouent un grand rôle.
L'introduction de son livre The Bridge at the Edge of the World mérite le détour. Speth y démontre que le système économique actuel doit être remis à sa place en tant qu’outil au service des sociétés humaines. Cette économie doit être imaginée et nommée. Speth s’interroge sur l’étiquette que devrait porter cette nouvelle économie (j’ai déjà entendu « communalisme »). Les mots « capitalisme », « socialisme » et « communisme » appartiennent à l’ancien monde. Et si nous inventions cette nouvelle économie du nouveau monde avant de lui trouver un nom? Après tout, plusieurs artistes ne nomment leur œuvre qu’après l’avoir terminée...

mardi 15 septembre 2009

Terres rares, mise à jour

Voici quelques informations additionnelles, tirées d'un article publié sur le blog hybridcars, à propos du contrôle de la Chine sur les terres rares.

La Chine produit +95% de ces métaux parce que ses prix défient toute concurrence à cause de sa main d'œuvre (encore) bon marché, mais aussi à cause de sa réglementation environnementale moins... contraignante.

Il existe des mines de terres rares ailleurs dans le monde, en Australie, aux États-Unis et au Canada, entre autres. On peut supposer que le renchérissement de ces ressources entraînera une reprise ou une hausse de leurs activités.

Pour le moment, les analystes et les gens de l'industrie automobile affirment qu'en cas de pénurie des alternatives pourraient prendre le relais. On pourrait même s'en passer, par exemple, si on utilisait des moteurs à induction.

Un commentaire de lecteur alimente la thèse du complot, mais l'information est dépassée. La mine californienne de Mountain Pass, qui est considérée comme la plus grande source de terres rares à l'extérieur de la Chine, est vraiment passée entre les mains de Union Oil of California et de Chevron. Elle appartient maintenant à une société indépendante, MolyCorp Minerals LLC, selon le site de la compagnie.

Tout va donc pour le mieux : il faudra seulement payer plus cher...

jeudi 3 septembre 2009

De la terre dans le stator

Quand quelque chose cloche, on dit qu'il y a du sable dans l'engrenage ou de l'eau dans le gaz. Dans ce cas-ci, la terre dans le stator réfère aux technologies électriques qui, nous l'espérons, prendront le relais du pétrole : automobiles hybrides ou tout électriques, éoliennes, tramways, trains à sustentation magnétique, etc. Or, des métaux (des éléments appelés « terres rares ») tels le dysprosium, le terbium et le neodymium sont nécessaires en grandes quantités dans les moteurs, les piles et les génératrices de ces technologies dites « vertes ». Par exemple, une turbine de grande éolienne contient près de 1 500 kg de neodymium !

L'os dans la soupe ? Plus de 95 % de l'extraction et de la production mondiale est faite en Chine qui n'est plus tellement intéressée à exporter ces matières premières. Elle préfère vendre les produits finis qui en contiennent... s'il en reste, car dès 2012 sa consommation intérieure dépassera sa production. L'inquiétude est grande en Occident : comment baser notre avenir sur des technologies dont nous ne contrôlons pas une des composantes essentielles ? Un peu comme le pétrole, mais en pire.

Pour le moment, il existe des paliatifs : on estime que le Japon, le plus grand importateur de terres rares, se procurerait 10 000 tonnes par année sur le marché noir... Les constructeurs d'automobile songent à produire leurs véhicules hybrides et électriques en Chine. Mais la hausse du coût de transport consécutif à la hausse inévitable du prix du pétrole rendra tous ces véhicules inabordables pour la plupart des gens. Seuls les riches pourront rouler en automobile conventionnelle, hybride ou électrique. Mieux vaut tabler sur des villes sans automobile.

Selon des informations contenues dans deux (1, 2) articles de TreeHugger (en anglais).

Nous embauchons

Paul Hawken est un incontournable de la pensée environnementale, sociétale et économique. Le 3 mai dernier, il s'adressait à la promotion 2009 de l'Université de Portland, en Oregon. Son texte m'avait émerveillé, mais je ne pouvais m'attaquer à sa traduction. Mon amie Andrée vient de me signaler qu'une très bonne traduction en français est maintenant disponible : « Vous êtes géniaux, et la planète embauche ! ». À lire!

samedi 29 août 2009

Tout est dans le regard

Nous ne voyons jamais les choses telles qu'elles sont, nous les voyons telles que nous sommes.
Anaïs Nin

mercredi 26 août 2009

Réveil brutal

Un clip brillant réalisé par Leo Murray du Royaume-Uni. L'idée d'aller en enfer peut donner froid dans le dos...

Plusieurs personnes familières avec la complexité du chaos climatique (moi inclus) considèrent que Murray a réussi un tour de force de vulgarisation.

Note: les 40 premières secondes ne donnent pas une idée juste de la chose.

mardi 25 août 2009

Perception

Vous n'êtes pas pris dans le traffic.
Vous êtes le traffic.

Source inconnue (vue dans l'exposition La vitesse et ses limites en cours au CCA ou en feuilletant le livre Traffic de Tom Vanderbilt, Knopf Canada, 2008 — un ouvrage passionnant sur ce sujet; la lecture de la table des matières est en soi une expérience enrichissante)

jeudi 20 août 2009

Jason Bradford, Willits, California

Je présente aussi souvent que possible la bande annonce du film Escape from Suburbia (la suite de End of Suburbia) qui montre la prise de conscience de la communauté de Willits en Californie face à l'arrivée du pic pétrolier. Une galerie de personnages irrésistibles.



Pour moi, Willits est, à plusieurs points de vue, une des communautés de transition les plus avancées. Mais ce n'est pas une initiative de Transition... L'initiateur de ce mouvement communautaire est Jason Bradford, docteur en biologie évolutive. Il raconte son cheminement dans Outpost Guide, Willits Chapter de mars 2005 que j'ai traduit (document pdf ici).

Richard Heinberg du Post-Carbon Institute a remarqué cette initiative. Il a également eu un impact décisif sur Rob Hopkins, alors que celui-ci enseignait à Kinsale en Irlande, qui allait devenir le fondateur des Transition Towns.

Il semble que les responsables de l'éveil de Willits au pic pétrolier aient été invités à exposer leur façon de faire à Kinsale: Brian Weller de Willits est allé y faire une présentation. Qui a pris quoi à qui? Impossible de le savoir. Mais Jason Bradford, dans la correspondance que j'ai eue avec lui, ne semblait pas amer. L'idée était dans l'air et, en bon scientifique, il sait que les uns construisent sur le travail des autres. D'ailleurs, dans son Message aux presque convertis, il invite les gens à se joindre au mouvement de Transition.

Le Post-Carbon Institute appuie maintenant les initiatives de Transition... auxquelles Richard Heinberg tente maintenant d'insuffler un sentiment d'urgence. Mais ça c'est une autre histoire...

Jeffrey Rubin, après

Comment voulez-vous écrire un livre qui annonce la fin de la globalisation et conserver votre emploi d'économiste en chef pour les marchés mondiaux dans une grande banque ? Signe de cohérence ou transition forcée, la publication du livre Why your World is about to become a whole lot smaller coïncide avec la démission de Jeffrey Rubin de la CIBC (Canadian Imperial Bank of Commerce). Le ton de son livre indique qu'il se prépare déjà à ce qu'il annonce. Il abandonne un gros revenu et se contentera des redevances de son livre, des honoraires de ses conférences et peut-être du rendement de judicieux placements. Rien ne dit qu'il perdra au change. Je ne serais pas surpris de le voir impliqué dans un projet de relocalisation.

mercredi 10 juin 2009

Un monde plus petit, beaucoup

Tout de suite après une fin de semaine occupée, vendredi par le visionnement du film Home, samedi, par une opération nettoyage des berges du fleuve Saint-Laurent à Longueuil, suivie par une visite à l'événement Vivre vert où Yves Perrier donnait une fort instructive conférence sur les toits et les murs végétaux, et un dimanche à Kingsey Falls où se tenait la première édition de Rouler vert, une conférence de fort calibre donnée par Pierre Langlois, auteur de Rouler sans pétrole, je me suis lancé dans la lecture de Why your World is about to become a whole lot smaller de Jeff Rubin. Il me semblait impossible de ne pas le résumer ici puisqu'il faudra sans doute un bout de temps avant qu'il ne soit traduit. Mais d'abord, François Cardinal de La Presse en a déjà fait une bonne partie en plus d'y ajouter une entrevue avec l'auteur. Pourquoi s'en priver?
Les conclusions de Rubin rejoignent celles de James H. Kunstler et des Initiatives de Transition : pour la plupart des gens, une diminution importante de la quantité de pétrole utilisée, une vie beaucoup plus locale, axée bien davantage sur l'agriculture et la fabrication, moins de banlieues, plus de densité, plus de transports en commun, moins de voyages lointains et, en général, moins de superflu et d'éphémère.

Le bouquin de Rubin commence avec une histoire savoureuse :

« Dans l'économie globale, on ne pense pas aux distances en milles mais en dollars. Si le pétrole est bon marché, la distance entre une usine et une salle de montre ou entre un champ et le supermarché n'a absolument aucune importance.

Un saumon de l'Atlantique pêché au large des côtes de la Norvège se promènera autour du monde au même titre qu'un roulement à billes ou un microprocesseur. Premièrement, il est apporté à un port norvégien où il est congelé et transféré dans un autre navire, lequel à son tour, l'apportera dans un plus grand port comme Hambourg ou Rotterdam où il sera transbordé dans un autre bateau et envoyé en Chine où le saumon entier sera décongelé et transformé en filets grâce aux mains expertes de milliers de jeunes femmes dans une immense usine de Qindao, la capitale chinoise de transformation de poissons. Puis les filets sont recongelés, emballés, placés sur un vaisseau porte-containers et expédiés à un supermarché européen ou nord-américain. Deux mois après avoir été capturé, le saumon est décongelé, disposé sur un lit de glace concassée sous un éclairage appétissant et vendu comme "frais". »

Conséquemment, si le pétrole est cher, la distance redevient importante et ces frivolités ne peuvent plus continuer. Le pic pétrolier = le pic de la globalisation.

Si l'on croit certains experts, ceux-ci ont une grande connaissance des récessions. Rubin n'est pas d'accord :

pp. 5 à 7: « Mais l'histoire de l'économie globale moderne n'est pas si longue, et il vaut la peine de se demander si l'on peut s'attendre à ce que les comportements observés dans les dernières décennies se répéteront à l'avenir. Il y a déjà eu des récessions déclenchées par des prix élevés pour le pétrole, mais dans chaque cas le remède était à portée de main: de nouveaux approvisionnements de pétrole bon marché.

C'est simple — tant qu'un tel approvisionnement existe. Sinon, la façon de se sortir d'une récession doit être réinventée parce que rien ne ressemble à ce qui s'est déjà passé. [...]

Si vous avez compris que la demande [en pétrole] était très forte pour une quantité relativement fixe [ce qui explique les prix élevés de l'été 2008], vous aviez et avez encore raison.

Cela signifie que dès que l'économie donnera des signes de reprise, les prix du pétrole vont reprendre leur trajectoire haussière. Et plutôt tôt que tard étant donné que les projets d'exploitation des gisements plus coûteux ont été abandonnés suite à la baisse du prix du baril consécutive à la récession. Le prix du brut va continuer à augmenter jusqu'à ce qu'il déclenche une nouvelle récession. Tant qu'il faudra une quantité spécifique de pétrole pour produire un certaine quantité d'argent ou de PNB, nous verrons nos économies étranglées par la hausse des prix dès qu'elles se rétabliront après une récession.

Mais les choses ne doivent pas nécessairement se passer comme ça. Une façon de réduire la quantité de pétrole nécessaire pour faire marcher l'économie est de rapetisser votre monde. Et c'est exactement ce qui va se produire. »

Ces jours-ci, le baril de pétrole se transige à environ 70$US simplement parce que la détérioration de la situation économique semble ralentir. Une légère reprise est prévue en 2010. Avant le pic, la production de pétrole augmentait à peu près au rythme de la demande. Plus on en voulait, plus on en produisait. Maintenant que la demande excède l'offre, on se retrouve dans un environnement à somme nulle (zero-sum game). Quand quelqu'un augmente sa consommation à un endroit elle doit diminuer ailleurs.

p. 64: « Il ne peut y avoir qu'un certain nombre d'automobiles [et d'autres moyens de transport alimentés avec du pétrole] sur la route, parce qu'il y a une quantité limitée de pétrole pour les faire rouler. Donc, pour chaque Tata [Inde] et Chery [Chine] qui sort de chez un concessionnaire de l'autre côté du globe, une autre auto devra être laissée dans l'entrée quelque part ailleurs — peut-être dans votre entrée.

C'est dans les pays où le prix de l'essence est le plus élevé et où la façon de se déplacer est la plus sensible aux changements de prix du carburant que ces transferts nécessaires auront lieu. Ces marchés sont tous situés dans les riches pays de l'OCDE. De loin le plus gros marché et le plus sensible aux prix à la pompe est aux États-Unis où les ajustements se font déjà sentir. »

La tendance va s'accélérer parce que les pays producteurs de pétrole en consomment de plus en plus et en exportent de moins en moins. Pas surprenant quand on sait qu'un gallon d'essence à la pompe coûte 25¢ au Venezuela et 50¢ en Iran ou en Arabie Saoudite ! La consommation des pays producteurs de pétrole augmente d'environ 5% par année, le double du rythme de croissance mondial. Chaque augmentation du prix du baril de pétrole apporte plus d'argent dans ces pays et... oui, entraîne une augmentation de la consommation intérieure et une diminution des exportations...

Cette augmentation n'est pas seulement liée aux transports. L'Arabie Saoudite veut tripler sa production d'électricité d'ici 2020 avec l'ajout de centrales thermiques alimentées au gaz ou au pétrole. La demande en électricité est gigantesque, surtout à 1¢ le kW/h ! Le pétrole sert aussi à produire de l'eau potable dans les usines de désalinisation (une consommation prévue de 1 million de barils de pétrole par jour pour le Moyen-Orient d'ici 2020). Et à alimenter une industrie pétrochimique en forte expansion (la valeur ajoutée est plus grande quand on transforme d'abord une ressource sur place avant de l'exporter). Et à cultiver dans des pays arides, question de ne pas importer toute sa nourriture. Ou à permettre à des gens de skier à Dubaï, sous un climat torride, moyennant une consommation de 3 500 barils de pétrole (556 000 litres) par jour... Dubaï où la demande en électricité croît de 15% par année malgré que la consommation d'énergie par personne y soit déjà le double de celle de nos voisins du sud...

Cela s'ajoute à la forte augmentation de la consommation en Chine et en Inde, deux pays dont le développement serait freiné par des coûts élevés de l'énergie. L'Inde a dépensé 10 milliards de dollars en 2008 pour atténuer le choc que nous avons connu l'été dernier.

L'efficacité énergétique est-elle la solution ? Rubin consacre quelques pages à l'effet rebond, un concept décrit par William Stanley Jevons au 19e siècle et repris plus récemment par, entre autres, Daniel Khazzoom et Leonard Brookes. En bref, les gains en efficacité énergétique se traduisent presque toujours par une augmentation de la consommation. Par exemple, la consommation d'énergie pour chaque dollar de PNB aux États-Unis est tombé de 50% depuis 1975 mais la consommation a augmenté, pendant la même période, de 40%. Les gains en efficacité de l'ordre de 30% des moteurs à combustion interne a simplement encouragé l'utilisation accrue de véhicules plus gros, plus lourds, plus luxueux, plus performants et une augmentation des distances parcourues. Le moteur est plus efficace mais la consommation de pétrole augmente. Le même phénomène se produit à la maison et pour les voyages en avion.

pp. 96 et 97: « Dans le passé, le paradoxe de l'efficacité a servi d'argument contre l'efficacité énergétique autant que contre la conservation [de l'énergie]. Cela n'est certainement pas ici mon intention.

Au contraire, face au plus grand défi énergétique de notre époque, le besoin d'efficacité énergétique n'a jamais été aussi grand. Mais en même temps, nous devons tirer les leçons du passé quant à ce paradoxe.

Si l'efficacité doit conduire à une réelle conservation, on doit empêcher les consommateurs de profiter de ces initiatives pour consommer davantage. En bref, on ne peut laisser baisser le prix de l'énergie, sinon l'Histoire va se répéter et nous consommerons plus d'énergie.

Nous devons devenir plus efficaces sans être récompensés par une baisse de la facture énergétique. C'est à cette seule condition que l'efficacité conduira à la conservation.

Mais pourquoi deviendrais-je plus efficace dans mon utilisation de l'énergie si je ne suis pas récompensé par une baisse de ma facture ?

La réponse est simple. Les prix de l'énergie, et en particulier ceux du pétrole, augmenteront d'autant plus et d'autant plus vite si nous ne devenons pas efficaces. Au bout du compte, l'efficacité ne peut pas nous permettre de consommer plus de pétrole que ce que la baisse de production nous offre. La défi posé par l'attrition du pétrole est de consommer moins d'énergie, purement et simplement.»

Quelques faits relatés par Rubin à propos du transport maritime :

— Il y a quinze ans, un cargo passait 55% de son temps en mer et la proportion de containers dans le transport maritime était de 35%;

— Aujourd'hui, un porte-containers passe 85% de son temps en mer et la proportion de containers est de 75%;

— Les porte-containers d'aujourd'hui vont plus vite ce qui double la consommation de carburant par unité de fret;

— La facture de carburant quotidienne d'un cargo moyen est de 9 500$ lorsque le baril de pétrole se transige à 30$: elle est de 32 000$ lorsque le cours atteint 100$ le baril;

— À un prix de 150$ le baril, le surcoût relié au transport équivaut à toutes les diminutions de barrières tarifaires (la libéralisation du commerce à laquelle le GATT a travaillé si fort...) depuis les années 1970;

— L'impact de la hausse du pétrole sur la globalisation dépend des biens échangés. Les aciéries états-uniennes redeviennent compétitives face aux chinoises parce que le coût de transport annule les bénéfices en coûts de main d'œuvre. L'impact sera faible sur les produits à forte valeur ajoutée, dont le prix est élevé par rapport à leur poids, et sur les produits où l'intensité de main d'œuvre est élevée: les usines de semi-conducteurs, de haute technologie mais aussi de souliers et de vêtements resteront en Asie pendant un bout de temps. Le reste sera rapatrié ou rapproché, au Mexique, par exemple.

Les beaux côtés (introduction, p. 22-24) : « Du pétrole coûteux peut signifier la fin du style de vie que nous connaissons, mais peut-être cette vie n'était-elle pas si extraordinaire que ça dans le fond. Des villes polluées congestionnées par le trafic, le réchauffement du climat, les déversements de pétrole et autres formes de dégradation environnementale font tous partie de l'héritage du pétrole bon marché. [...]

Nous vivrons dans des communautés plus denses, conduirons de plus petits véhicules, vivrons plus frugalement et plus localement. [...]

Mais vivre dans un monde plus propre, efficace, dans une ville plus densément peuplée n'est pas exactement la fin du monde. Où iriez-vous en vacances : à Paris ou à Houston ? [...]

Préparez-vous à un monde plus petit. Bientôt, votre nourriture viendra d'un champ beaucoup plus proche de l'endroit où vous habitez, et les objets que vous achèterez viendront d'une usine du coin plutôt que de l'autre côté de la planète. Vous conduirez probablement moins et marcherez davantage, ce qui signifie que vous travaillerez et ferez vos achats plus près de la maison. Vos voisins et votre voisinage sont sur le point de devenir bien plus importants dans le monde plus petit qui nous attend dans un avenir rapproché. [...]

Nous pouvons changer. En plus de découpler l'économie du pétrole nous devons concevoir nos vies pour les adapter à un monde où l'énergie est plus restreinte. Et cela implique de vivre en utilisant moins d'énergie. Bien que plusieurs choses puissent mal tourner au cours de cette transition, ne soyez pas surpris si nous découvrons plus d'un avantage en cours de route [...] un monde beaucoup plus vivable et agréable que celui que nous sommes sur le point de laisser dernière nous. »

p. 221 : « En fait, il y a beaucoup d'autres attraits à la nourriture locale [à part les économies d'énergie et la réduction des gaz à effet de serre]. Vu que la nourriture va représenter une part de plus en plus grande de nos budgets, il sera avantageux de conserver cet argent dans nos communautés. Mieux vaut utiliser notre argent pour construire l'économie locale de l'avenir que de le laisser fuir vers la colonne «bénéfices» d'une compagnie éloignée. Et voici autre chose: la nourriture locale, en saison, sera toujours plus fraîche qu'un produit congelé importé. Cela signifie aussi qu'elle sera habituellement plus savoureuse et plus nutritive. »

pp. 248-253 : « Le changement arrive que nous le voulions ou non. [...] Nous savons que l'économie fondée sur de l'énergie bon marché [...] tire à sa fin. La question est de savoir si nous sommes prêts à faire face à la situation. Plus tôt nous verrons venir les choses, plus tôt nous pourrons nous y adapter et même profiter de ses effets. Nous pourrions découvrir demain plusieurs trésors cachés dans les sacrifices que nous faisons aujourd'hui.

Au lieu de villes qui étouffent dans le smog, entourées de banlieues et transpercées de multiples autoroutes, nous avons une réelle occasion de nous retrouver dans des voisinages et des villes plus petites, où l'on peut marcher [...].

Ces voisinages auront en commun une relation viable avec les fermes qui les nourissent. Les petites villes et les nouveaux villages de banlieusards seront des carrefours pour la production agricole locale. [...]

Dans un monde plus petit, tout ce qui permet de vraiment apprécier la nourriture reprendra de l'importance.

Les goûts et les coutumes locaux, qui semblaient destinés à disparaître devant l'assaut de la globalisation, vont obtenir un répit de dernière minute. Étant donné que la production reviendra à ses racines locales, les produits retrouveront leurs couleurs locales — peut-être pas les aciéries, mais certainement les usines de produits finis destinés au consommateur — et flatteront les préférences et les goûts de leurs clients. [...]

Ce qui distinguait votre environnement local va reprendre toute son importance. [...]

J'ai l'impression que nous deviendrons tous bien plus habiles pour réparer ce qui brise au lieu de le remplacer par du neuf. [...] Nous allons nous contenter de choses rapiécées et réparées et d'objets où l'aspect fonctionnel l'emporte sur la beauté. [...] La couture, le jardinage et la cuisine vont certainement revenir en force [...].

Pour la plupart d'entre nous aujourd'hui, le monde local est pratiquement sans importance. Tout comme nous ne mangeons pas localement, nous rêvons de passer notre temps ailleurs, pour les affaires ou le plaisir. Plusieurs d'entre nous avons plus en commun avec nos pairs ailleurs dans le monde qu'avec notre voisin d'à côté. Cela va bientôt changer. Au fur et à mesure que la rareté du pétrole rendra votre monde plus petit, vous passerez bientôt beaucoup plus de temps à parler à votre voisin et beaucoup moins de temps en avion à parcourir le monde. Ce qui impliquera que vous vous inquiéterez de moins en moins des problèmes mondiaux et de plus en plus des préoccupations locales. Nous deviendrons tous des gardiens beaucoup plus attentifs de nos petits mondes. Ceci devrait rendre nos voisinages de meilleurs endroits où vivre. »

dimanche 19 avril 2009

Début de descente énergétique

Tout le travail de tête et de cœur entrepris dans une initiative de transition conduit à l'élaboration d'une vision de l'avenir propre à chaque collectivité. Cette vision, à son tour, conduit à un plan d'action, le Plan de descente énergétique (en anglais, Energy Descent Action Plan ou EDAP). Ce plan guidera toutes les actions entreprises pour rebâtir la résilience des communautés.

Le but premier de ce Plan de descente énergétique est d'éliminer la dépendance au pétrole qui menace la communauté. Le pétrole sera bientôt beaucoup moins abondant et bon marché. Il faut préparer nos communautés à cette situation inévitable, sinon il ne restera qu'à la subir. S'organiser pour vivre sans pétrole est également une action concrète de lutte au chaos climatique. Finalement, sur le plan économique, le Québec a tout intérêt à garder ici les quelque 20 milliards $ par année qui servent présentement à acheter du pétrole à l'étranger.

Deux annonces récentes au Québec montrent que l'idée d'une nécessaire descente énergétique commence à se frayer un chemin dans l'espace public:

Les municipalités réveillées sont inscrites, les autres non. Et la vôtre?

samedi 18 avril 2009

Outils de changement

Une des raisons pour lesquelles l'Initiative de transition a réussi à mobiliser des centaines de collectivités en moins de trois ans est qu'elle reconnaît la nécessité de s'occuper des émotions engendrées par la prise de conscience en les incluant dans le processus de changement. Pierre Thibault, rédacteur-en-chef de l'hebdomadaire ICI de Montréal, touchait au cœur de la question (peut-être sans le savoir) dans son éditorial du 16 avril inspiré par le Jour de la Terre :

D’études en études, d’analyses en analyses, nous avons peu à peu compris certains des effets de l’activité humaine sur l’écosystème. [...] Pourtant, malgré les campagnes de conscientisation, les haut cris de scientifiques renommés, l’augmentation des cas de cancer ou d’asthme, la dégradation des rivières et des forêts et que sais-je encore, nous continuons d’afficher collectivement une redoutable capacité de résistance au changement. En fait, j’ai parfois l’impression que nous agissons tel un fumeur invétéré qui se sait atteint d’un cancer des poumons et qui continue de s’enfiler ses deux paquets quotidiens comme si de rien était.
On dirait que l'introduction au chapitre 6 de The Transition Handbook lui répond:
Provoquer le changement a toujours été le Saint-Graal des environnementalistes mais il est resté, dans une grande part, hors d’atteinte. Malgré certains succès, le mouvement environnemental n’a pas réussi à mobiliser les gens en nombre suffisant dans un vaste processus de changement. On est encore loin d’une mobilisation qui correspondrait à l’état de guerre dans lequel nous nous trouvons face au pic pétrolier et au chaos climatique. Peut-être le mouvement n’a-t-il jamais vraiment compris les mécanismes du changement et ses implications. D’autres disciplines, par contre, en savent beaucoup plus sur la façon d’induire un changement et sur le fonctionnement du processus. L’une d’entre elles est le traitement des dépendances.

Dans son livre Addiction and Change, Carlo DiClemente présente son modèle transthéorique du changement (MTC) qui vise à expliquer la façon dont survient le changement. Il établit que le processus par lequel quelqu’un sombre dans une dépendance et s’en libère est identique à tout autre processus de changement.

Le MTC est le résultat de la synthèse de diverses approches précédentes ainsi que d’études longitudinales sur la façon dont les gens changent. DiClemente défend la thèse que le processus est plus subtil et plus sophistiqué qu’une simple décision de changer suivie du changement en question.

Presqu’au même moment, Rob Hopkins rencontrait le Dr Chris Johnstone, un spécialiste du traitement des dépendances, qui a travaillé avec les étapes de changement dans plusieurs domaines.

Rob Hopkins reconnaît que cette façon de voir l’a fortement inspiré et a eu une influence déterminante sur l’approche de transition. Les deux en discutent dans cette entrevue.

dimanche 12 avril 2009

Inhumain

Seul l'humain court le risque d'être inhumain,
l'animal ne court pas le risque d'être inanimal.

Guillaume Dasquié dans La ville des mensonges,
Éditions Robert Laffont, 2009

lundi 6 avril 2009

Le cœur et la transition

Avant d'expliquer la façon dont l'initiative de transition s'occupe de la détresse émotionnelle liée aux crises qui menacent nos collectivités et sur l'élaboration d'une vision collective apte à soutenir notre démarche vers une plus grande résilience, j'aimerais citer l'introduction de Rob Hopkins qui a trait à ces sujets. Dans son livre, et c’est bien légitime, Rob Hopkins écrit souvent à la première personne du singulier que j’ai choisi de remplacer par un « nous » inclusif. Il ne s’agit donc pas d’une traduction fidèle, mais plutôt d’une adaptation :

Le pic pétrolier et le chaos climatique peuvent être intenses et inquiétants dans leurs implications et dans les effets qu’ils auront sur nous. De la même façon que la plupart des gens se souviennent d’où ils étaient le 11 septembre 2001 ou, pour les plus vieux, quand le Président Kennedy a été assassiné, la plupart de ceux qui sont conscients du pic pétrolier et du chaos climatique peuvent raconter quand et comment leur prise de conscience est survenue — leur moment End of Suburbia*. Nous pensons qu’en plus de comprendre ces enjeux, il est impératif de ne pas prétendre qu’il s’agit seulement de questions purement rationnelles, de tête. Nous devons également nous préoccuper du cœur et admettre que cette information est troublante, qu’elle nous affecte tous et que la façon dont elle nous affecte détermine en retour comment nous réagirons ou ne réagirons pas.

Un autre concept important abordé dans cette section est celui de l’élaboration d’une vision collective et de la puissance d’une telle vision de l’avenir. Les écologistes tentent trop souvent de pousser les gens à l’action en les effrayant à l’aide de scénarios apocalyptiques. Or, voici la question que pose cette deuxième partie : « Qu’arriverait-il si nous passions à l’action par l’autre bout, en illustrant une vision de l’avenir si attirante que les gens se sentiraient instinctivement attirés par elle ? »

Ce qui suit est une vision créative de ce que [notre vie] pourrait être en 2030 si nous voyons la clé de notre avenir dans une plus grande résilience, des économies plus locales et une consommation d’énergie fortement réduite. Car au sein même des défis que posent le pic pétrolier et le chaos climatique se trouve une occasion en or de réinventer, repenser et reconstruire le monde qui nous entoure.

Au cœur de cette section apparaît, finalement, l’évidence que l’ampleur de cette transition nécessite des ressources personnelles intérieures qui dépassent la simple compréhension abstraite. Ce terrain, relativement nouveau pour le mouvement environnemental, est crucial pour notre succès et essentiel pour mobiliser le nombre de personnes nécessaires à une tâche d’une telle ampleur.

* End of Suburbia est un documentaire, réalisé par Gregory Green en 2004, qui explore l’impact du pic pétrolier sur le mode de vie états-unien. Il est généralement présenté à la population à l'étape de la sensibilisation.

Introduction au cœur de l'affaire

Susciter une prise de conscience sans prévoir les moyens d'en gérer les conséquences est inutile, voire cruel. « Pourquoi prendre conscience de tout ça si j'en sors encore plus découragéE ? » « Ça ne sert à rien. Je fais déjà tout ce que je peux, mais ils (les voisins, les Chinois, les riches, les politiciens, etc.) n'en font pas assez. Moi, je ne peux pas en faire plus ! »

L'intérêt, pour moi, de l'initiative de transition est qu'elle prévoit ces objections légitimes et fournit des réponses : nous reconnaissons que cette prise de conscience provoque des émotions difficiles et nous savons comment les gérer ; nous savons que tout cela doit déboucher sur l'action et nous savons comment élaborer un plan d'action.
Voici les citations que Rob Hopkins a choisies en introduction de la deuxième partie de The Transition Handbook :
Il est préférable de penser à ce qui se passe comme à une révolution, non par les armes, mais de la conscience. Elle sera gagnée en s’appropriant les mythes-clés, les archétypes, les eschatologies et les extases de telle façon que la vie ne semblera pas mériter d’être vécue si l’on n’est pas du côté de cette énergie de changement.
Gary Snyder

Pour sauver la planète, nous n’avons pas besoin de percées technologiques miraculeuses ou d’énormes capitaux. Essentiellement, nous avons besoin d’un changement radical dans notre façon de penser et dans nos comportements.
Ted Trainer

Les incertitudes de notre époque ne justifient pas d’être certains du bien-fondé du désespoir
Vandana Shiva

Récapitulatif — la tête

Avant de passer à la prochaine étape du voyage, son véritable cœur, voici les liens vers les entrées reliées à la compréhension rationnelle des enjeux, c'est-à-dire à la tête :
Il est compréhensible d'être ébranlé émotionellement après avoir pris conscience de l'ampleur des défis qui nous attendent. C'est pourquoi la deuxième étape s'appelle le cœur...

dimanche 5 avril 2009

Saisissant

Vivre est tellement saisissant
qu'il reste bien peu de temps pour autre chose.

Emily Dickinson, poétesse états-unienne

Quel avenir ?

Selon Tony Juniper dans une allocution présentée à Totnes, l'une des premières villes de transition anglaises, en février 2007:

« Nous ne retournons pas à l’Âge de Pierre ou au Moyen-Âge, nous nous dirigeons vers un avenir plus encourageant, plus sécuritaire où les communautés se recréent, où la pollution n’est plus qu’un souvenir, où l’alimentation, l’énergie et la biodiversité sont assurées et où les gens ont des vies longues et confortables. Transmettre une telle vision est très difficile à faire parce que tout ce que l’on peut montrer avec précision c’est le passé. »

En fait, l’idée centrale de la Transition est, selon The Transition Handbook, pp. 212 et 213:

Un avenir sans pétrole peut être préférable à la situation présente, 
SI nous sommes prêts à mobiliser toute notre créativité et notre imagination 
ASSEZ TÔT AVANT la fin de l’ère du pétrole.

Après ce processus, nous ne serons plus les mêmes; nous serons devenus plus humbles, plus près de la Nature, en meilleure forme, plus habiles et, ultimement, plus sages.

Nous émergerons, en clignant des yeux, dans un nouveau mode de vie dans lequel, étrangement, nous nous sentirons plus confortables et qui nous semblera plus familier que ce que nous aurons abandonné.

Nous devons être en mesure de formuler et de présenter une vision alléchante de ce qui peut remplacer la situation actuelle. C'est précisément de quoi il est question dans la deuxième partie de The Transition Handbook : le cœur.

samedi 4 avril 2009

Indices de résilience

Exemples d’indices de résilience d’une communauté locale :
  • % de la consommation totale d’énergie qui dépend de la combustion (qui libère des gaz à effet de serre);
  • % du commerce effectué avec la monnaie locale;
  • % de la nourriture consommée produite dans un rayon de moins de X km;
  • Superficie consacrée au stationnement de véhicules;
  • Degré d’implication des gens dans l’opération de Transition;
  • Trafic sur les routes;
  • Nombre d’entreprises qui appartiennent à des personnes qui habitent dans la localité;
  • % des personnes qui travaillent dans la localité;
  • % de biens essentiels produits à l’intérieur d’un rayon de X km;
  • % de matériaux de construction locaux utilisés dans les nouveaux bâtiments;
  • % de l’énergie nécessaire produite localement;
  • Nombre de jeunes de 16 ans capables de faire pousser correctement 10 variétés de légumes;
  • % de remèdes prescrits produits dans un rayon de moins de X km…
Tiré de The Transition Handbook pp. 174 et 175

Certains de ces indices peuvent surprendre. Celui sur le nombre de jeunes de 16 ans aptes à cultiver des légumes a fait son effet lors de ma présentation à Coaticook...

Résilience

Il est beaucoup question de résilience dans l'initiative de Transition. Bien que mes vénérables dictionnaires ne l'affirment pas, les notions de résilience et de vulnérabilité me semblent être l'endroit et l'envers de la même chose.

Le mot « résilience » a été emprunté à l'anglais où son sens premier, en physique, était la capacité d'un matériau à résister aux chocs. Boris Cyrulnik, médecin, psychiatre et neurologue français a contribué à étendre le sens du mot aux personnes. Comment se fait-il que certaines tombent en morceaux après un choc relativement mineur alors que d'autres arrivent à mener des vies bien remplies après avoir encaissé de graves chocs ?

L'Encyclopédie de L'Agora: Boris Cyrulnik

Boris Cyrulnik - Wikipédia

La notion de résilience peut également convenir à des systèmes complexes comme des collectivités, des systèmes écologiques, informatiques et autres. Par exemple, l'Internet, par sa décentralisation et ses redondances est un exemple de résilience. Des pannes locales ne peuvent empêcher l'ensemble de fonctionner.

Inversement, « vulnérable » s'applique à ce qui peut être blessé ou qui se défend mal. Dans le cas des collectivités, les vulnérabilités peuvent être de nombreux types et leur être plus ou moins spécifiques. Exemples : plus de la moitié des salaires est versée par une seule entreprise (et ses fournisseurs locaux); il existe des risques de pénurie d'eau potable; les inondations et l'érosion augmentent, etc.

Chaque collectivité doit faire son propre inventaire en lien avec ses besoins fondamentaux. Quels sont les besoins fondamentaux des personnes qui habitent ici? Comment sont-ils satisfaits présentement? Qu'arriverait-il si...?

La globalisation de l'économie a fait en sorte que bien peu de collectivités vivent encore en autarcie. La délocalisation et la spécialisation nous ont presque tous fragilisés face à des crises diffuses dans le temps et qui peuvent venir de n'importe où. De plus, la complexité des systèmes impliqués — Nature, cultures, sociétés, économie — et leurs interactions elles aussi complexes rendent toute prévision hasardeuse.

Quoiqu'il en soit, il y aura des collectivités préparées et d'autres qui subiront les événements. Souhaitons que ces dernières soient le moins nombreuses possible.

Villes en transition | Qu'est-ce que la résilience ?

lundi 30 mars 2009

Transition et permaculture

La permaculture (concaténation de permanent et agriculture) est née dans les années 1970. Elle soutient que les habitats humains et les systèmes de production de nourriture ne doivent pas être séparés artificiellement des systèmes écologiques naturels. Il s'agît d'une approche holistique qui voit l'humanité comme une partie intégrale d'un ensemble écologique plus large et non comme une entité séparée. Cette réintégration de l'humain dans la Nature est essentielle à la survie de l'humanité.

L'idée de « prendre soin de l'environnement » est ultimement nuisible si on continue à voir la Nature comme quelque chose de séparé, à l'extérieur de nous. Cette façon de voir est née au siècle des Lumières où les promesses d'une science rigoureuse et féconde en avancées ont commencé à supplanter les superstitions et l'obscurantisme religieux (Jacques Languirand, émission Par 4 chemins du 22 mars 2009, sur Prendre soin du monde de Emmanuel Desjardins). La Nature est sauvage, souvent imprévisible et quelquefois catastrophique. Il faut soustraire l'Homme à ses caprices et la dominer/conquérir/dompter.

La Nature ne sera jamais dominée par l'humanité. Gaïa (le nom donné par James Lovelock à la Terre, organisme vivant) peut très bien se passer de l'humanité mais pas l'inverse. Il est absurde de vouloir « sauver la planète » qui survivra à tout ce que l'on peut lui infliger. Après quelques millions d'années, Gaïa sera dans un autre état relativement stable et d'autres formes de vie seront apparues. Parmi elles, peut être y en aura-t-il plusieurs qui verront l'humanité d'aujourd'hui avec le même regard que celui que nous jetons sur les hommes de Néandertal...

Mais il n'est pas encore trop tard. Il s'agit, en somme, de sauver notre propre espèce en lui faisant franchir une nouvelle étape de développement plus sage et plus naturelle. Ce que Rob Hopkins, en praticien de la permaculture, a compris. En prenant pleinement conscience des chocs que causeront le pic pétrolier et le chaos climatique sur nos sociétés, il a commencé à donner forme à l'initiative de transition. Cette transition est celle d'une société bien plus dépendante du pétrole qu'elle ne peut l'admettre vers des collectivités qui s'organisent pour s'en passer avant d'être obligées de le faire...

Transition et chaos climatique

Les média ont largement fait état de la question des « changements climatiques ». Il me semble inutile d'en rajouter. Sauf deux points qui me semblent importants.

D'abord, j'utilise l'expression « chaos climatique » parce que les expressions « changement climatique » et « réchauffement climatique » sont inadéquates en communication. Les spécialistes savent de quoi il s'agit, mais pas les citoyens ordinaires. « Changement climatique » ne qualifie pas ce qui se prépare : un changement pour mieux ou pour pire ? Et puis, un peu de changement de temps en temps, ça change le mal de place... « Réchauffement climatique » sous nos latitudes et hors canicule semble plutôt un bienfait. Un ou deux degrés de plus, ça ne ferait pas de mal...

Les gaz à effet de serre produits par les humains sont en train de déstabiliser le système complexe qu'est le climat et le pousser vers un chaos dont on ne connaît pas vraiment l'issue. Le chaos en question s'accompagne d'un nombre grandissant d'événements météorologiques extrêmes. Pas partout et pas tout le temps. Mais de plus en plus nombreux et de plus en plus extrêmes. Et les premiers touchés sont... ailleurs.

L'autre point important est lié aux combustibles fossiles. On fait dans certains cercles grand état des immenses réserves de charbon, de pétrole et de gaz qui n'ont pas encore été extraites. Comme si les deux questions n'étaient pas liées. Avant l'ère industrielle (avant la combustion intensive des carburants fossiles) la concentration de CO2 (gaz carbonique) dans l'atmosphère était de 275 PPM (parties par million). Nous en sommes à 390 PPM. Il faudrait, selon de nombreux membres du GIECC (Groupe International d'Experts sur les Changements Climatiques), revenir rapidement à 350 PPM pour éviter le pire.

Brûler ce qui reste ferait monter la concentration de CO2 dans l'atmosphère à 660 PPM, et ce ne sont là que les effets directs. Si on ajoute les effets indirects, fuites, incendies de forêts, mort des océans, fonte du pergélisol, etc. c'est une concentration de 1000 PPM qui serait atteinte. Le film de Al Gore, An Inconvenient Truth/une vérité qui dérange n'allait pas si loin...

Transition et pic pétrolier

Selon Don Paul, l'ex-directeur financier de la pétrolière états-unienne Chevron, dans un discours prononcé en 2007, la croûte terrestre renfermait environ 3 000 milliards de barils de pétrole avant que nous ne commencions à l'extraire. Nous en avons utilisé autour de 1 100 milliards. 800 milliards de barils resteront dans la Terre parce qu'inaccessibles. Il en reste donc autant à extraire que tout ce que nous avons utilisé depuis la fin du 19e siècle ? Super (sans plomb...) !

Le problème est que ce qui reste est de moins bonne qualité, plus difficile à aller chercher et, donc, moins rentable. Pas seulement en dollars : au début du boom pétrolier, 1 unité d'énergie investie dans l'extraction, la transformation et le transport du pétrole rapportait 100 unités d'énergie. Aujourd'hui, 1 unité d'énergie investie dans les sables bitumineux de l'Alberta en rapporte 3. La folie a ses limites et l'investissement énergétique global nécessaire à l'exploitation de plusieurs gisements n'en vaudra tout simplement pas la peine.

Même l'Agence Internationale de l'Énergie (jusqu'ici plutôt conservatrice dans ses prises de position) affirme maintenant que la production a atteint un plateau et qu'au-delà de 2015 la production décroîtra. D'autres disent que le vrai pic a été atteint en 2005. On chipote à propos d'une décennie... Nous avons vécu l'ensemble de notre vie dans un monde où le pétrole était abondant et bon marché (même si individuellement tous n'y ont pas eu accès) mais nos descendants vivront le contraire.

Le vieux renard Matthew Simmons, à la fois banquier de l'industrie pétrolière et chouchou des documentaires sur le pic pétrolier, ajoute deux facteurs qui pourraient contribuer à une baisse accélérée de la production de pétrole: le vieillissement de l'infrastructure et le manque de relève. Selon lui, l'infrastructure pétrolière — plate-formes de forage, pipelines, raffineries, etc. — rouille et souffre d'un grave manque d'entretien, si bien qu'il sera deviendra trop onéreux de réparer ce qui existe alors que, simultanément, le temps et le financement manqueront pour en construire de nouvelles.

Le vieillissement de la main d'œuvre l'inquiète également. Une part importante de la main d'œuvre spécialisée approche de l'âge de la retraite et Simmons ne voit pas de relève se pointer dans le... pipeline (s'cusez !). Détail intéressant: c'est à l'arrivée à la retraite de plusieurs experts de l'industrie que nous devons de voir aujourd'hui les choses sans lunettes roses. L'Association for the Study of Peak Oil (ASPO) a été fondée par des spécialistes de haut niveau qui, retraités, pouvaient enfin révéler les mensonges dont ils avaient été témoins pendant leur carrière.

Pour des articles en français sur les sujets du pic pétrolier et de la dépendance au pétrole dans nos sociétés:

Encyclopédie de la Francophonie | Pic Pétrolier

L'Encyclopédie de L'Agora: Pétrole

Pic pétrolier - Wikipédia

Dépendance au pétrole - Wikipédia

Un point de vue plus alarmiste (page traduite en français):

Wolf at the Door

lundi 16 mars 2009

Nouvel emballage

Un nouveau titre et une nouvelle ambiance pour mon site. La précédente incarnation mettait de l'avant les mots « développement responsable ». Ce choix reflétait le besoin de prendre mes distances par rapport à l'usage que faisaient les pouvoirs publics et économiques des mots « développement durable »: en somme, le même développement qu'avant, mais en faisant un peu plus attention à l'environnement — si ça ne coûte pas trop cher...

L'habitation constitue un domaine important, certes, mais qu'en est-il de l'eau, de la nourriture, des transports, de la société, et cætera? Je ne pouvais m'empêcher d'aborder ces questions dans mon livre sur l'habitation responsable et sur mon site puisque toutes ces questions sont liées.

Le nouvel emballage ne représente donc pas un changement de cap ou l'abandon des questions liées à l'habitation, mais plutôt le désir d'un cadre plus global et plus intégré.

En réalité, le seul développement qui m'intéresse est le développement humain, lequel est sérieusement menacé par les multiples crises qui déferlent sur la planète. Elles touchent la Nature, l'humanité et ses institutions. Chacune de ces crises est complexe et, par surcroît, entretient des relations complexes avec toutes les autres.

Prendre conscience de ces menaces peut être décourageant ou même terrifiant si l'on ne sait pas quoi faire au-delà des « 50 gestes verts pour la sauver la planète ». On sent qu'il faudrait bien plus que de se conformer à ce slogan insignifiant. Mais quoi? Comment? Et qu'attendent les « décideurs »?

À l'automne 2006, mon amie Andrée Mathieu m'a fait découvrir The Natural Step, un puissant outil conçu pour encadrer les démarches d'entreprises et de collectivités vers le développement durable. Il existe donc des cadres pour aborder toutes ces questions d'une façon intégrée et cohérente.

Au même moment, je découvrais sur le site Treehugger les initiatives de communautés britanniques appelées Transition Towns. L'essor rapide de ce mouvement et son approche pragmatique m'intéressent énormément. Ses instigateurs n'attendent pas de financement ni que les « décideurs » soient enfin convaincus de la nécessité d'agir avant de passer à l'action!

Le site du fondateur du mouvement (en anglais) permet, entre autres, de suivre son évolution dans le monde.

The Transition Handbook, est disponible sur le wiki Appropedia.

Il y a aussi cet autre wiki riche en ressources.

Le monde francophone ne sera pas en reste s'il n'en tient qu'à Bernard Lebleu et à ses alliés de langue française. Le site qu'ils ont développé s'étoffera rapidement.

samedi 31 janvier 2009

Heureuse année... du Buffle

L'année du Buffle (ou du Bœuf) du zodiaque chinois commençait le 26 janvier. Je suis moins en retard comme ça...

En guise de cadeau, les mots d'un graffiti vu par le cinéaste Émile Proulx-Cloutier (Le Banquet, Le Déserteur) :

Amis, gardons notre pessimisme pour des jours meilleurs !

Planimage #61

Le magazine Planimage m'a invité à rédiger un article pour son numéro portant sur les multilogements. La SCHL propose plusieurs ressources sur le sujet dans le cadre de son programme en faveur des communautés durables. Étant donné que leurs liens Internet son assez longs, j'ai offert, comme aux lecteurs de mon livre, une liste de ressources qui les conduira directement aux bons endroits.

Le site de la SCHL est divisé en deux grandes sections: une pour les particuliers et l'autre pour les professionnels. Avant d'aller dans le section des professionnels, ce document pdf pour le grand public sur le choix d'un quartier durable, constitue un excellent guide pour le choix de l'emplacement.

Ensuite, le document pdf sur l'aménagement de communautés durables constitue un survol de ce qu'il faut considérer au moment de la conception. Les nos de produits à cinq chiffres — 6XXXX — peuvent être tapés dans la case de recherche du site de la SCHL ce qui vous conduira directement à chacun des documents mentionnés. Notez que malgré les « paniers d'achats », la plupart des documents peuvent être téléchargés sans frais.

Ce lien vous conduira au portail du volet destiné aux professionnels (si vous initiez un projet de multilogements dans votre communauté, vous en êtes). Les documents principaux y sont clairement décrits et il vous sera possible de rayonner à partir de là.

mardi 20 janvier 2009

Cinglante Fred

Les amateurs de polars connaissent la redoutable efficacité de la plume de Fred Vargas. Plume mise ici au service de ce qui me tient à cœur.
Nous y voilà, nous y sommes. Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes. Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal. Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance. Nous avons chanté, dansé. Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine. Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés. On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu. Franchement on s’est marrés. Franchement on a bien profité. Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre. Certes.

Mais nous y sommes. À la Troisième Révolution. Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie. « On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins. Oui. On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies. La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets. De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau. Son ultimatum est clair et sans pitié : Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse). Sauvez-moi, ou crevez avec moi. Evidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux. D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance. Peine perdue. Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais. Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est –attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille- récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines, on s’est quand même bien marrés). S’efforcer. Réfléchir, même. Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire. Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde. Colossal programme que celui de la Troisième Révolution. Pas d’échappatoire, allons-y. Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante. Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible. A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie –une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut-être. À ce prix, nous réussirons la Troisième révolution. À ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.

Fred Vargas

Pour information, Fred Vargas a écrit ce texte en signe de soutien à Europe Écologie. Voir l’original.

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