dimanche 19 avril 2009

Début de descente énergétique

Tout le travail de tête et de cœur entrepris dans une initiative de transition conduit à l'élaboration d'une vision de l'avenir propre à chaque collectivité. Cette vision, à son tour, conduit à un plan d'action, le Plan de descente énergétique (en anglais, Energy Descent Action Plan ou EDAP). Ce plan guidera toutes les actions entreprises pour rebâtir la résilience des communautés.

Le but premier de ce Plan de descente énergétique est d'éliminer la dépendance au pétrole qui menace la communauté. Le pétrole sera bientôt beaucoup moins abondant et bon marché. Il faut préparer nos communautés à cette situation inévitable, sinon il ne restera qu'à la subir. S'organiser pour vivre sans pétrole est également une action concrète de lutte au chaos climatique. Finalement, sur le plan économique, le Québec a tout intérêt à garder ici les quelque 20 milliards $ par année qui servent présentement à acheter du pétrole à l'étranger.

Deux annonces récentes au Québec montrent que l'idée d'une nécessaire descente énergétique commence à se frayer un chemin dans l'espace public:

Les municipalités réveillées sont inscrites, les autres non. Et la vôtre?

samedi 18 avril 2009

Outils de changement

Une des raisons pour lesquelles l'Initiative de transition a réussi à mobiliser des centaines de collectivités en moins de trois ans est qu'elle reconnaît la nécessité de s'occuper des émotions engendrées par la prise de conscience en les incluant dans le processus de changement. Pierre Thibault, rédacteur-en-chef de l'hebdomadaire ICI de Montréal, touchait au cœur de la question (peut-être sans le savoir) dans son éditorial du 16 avril inspiré par le Jour de la Terre :

D’études en études, d’analyses en analyses, nous avons peu à peu compris certains des effets de l’activité humaine sur l’écosystème. [...] Pourtant, malgré les campagnes de conscientisation, les haut cris de scientifiques renommés, l’augmentation des cas de cancer ou d’asthme, la dégradation des rivières et des forêts et que sais-je encore, nous continuons d’afficher collectivement une redoutable capacité de résistance au changement. En fait, j’ai parfois l’impression que nous agissons tel un fumeur invétéré qui se sait atteint d’un cancer des poumons et qui continue de s’enfiler ses deux paquets quotidiens comme si de rien était.
On dirait que l'introduction au chapitre 6 de The Transition Handbook lui répond:
Provoquer le changement a toujours été le Saint-Graal des environnementalistes mais il est resté, dans une grande part, hors d’atteinte. Malgré certains succès, le mouvement environnemental n’a pas réussi à mobiliser les gens en nombre suffisant dans un vaste processus de changement. On est encore loin d’une mobilisation qui correspondrait à l’état de guerre dans lequel nous nous trouvons face au pic pétrolier et au chaos climatique. Peut-être le mouvement n’a-t-il jamais vraiment compris les mécanismes du changement et ses implications. D’autres disciplines, par contre, en savent beaucoup plus sur la façon d’induire un changement et sur le fonctionnement du processus. L’une d’entre elles est le traitement des dépendances.

Dans son livre Addiction and Change, Carlo DiClemente présente son modèle transthéorique du changement (MTC) qui vise à expliquer la façon dont survient le changement. Il établit que le processus par lequel quelqu’un sombre dans une dépendance et s’en libère est identique à tout autre processus de changement.

Le MTC est le résultat de la synthèse de diverses approches précédentes ainsi que d’études longitudinales sur la façon dont les gens changent. DiClemente défend la thèse que le processus est plus subtil et plus sophistiqué qu’une simple décision de changer suivie du changement en question.

Presqu’au même moment, Rob Hopkins rencontrait le Dr Chris Johnstone, un spécialiste du traitement des dépendances, qui a travaillé avec les étapes de changement dans plusieurs domaines.

Rob Hopkins reconnaît que cette façon de voir l’a fortement inspiré et a eu une influence déterminante sur l’approche de transition. Les deux en discutent dans cette entrevue.

dimanche 12 avril 2009

Inhumain

Seul l'humain court le risque d'être inhumain,
l'animal ne court pas le risque d'être inanimal.

Guillaume Dasquié dans La ville des mensonges,
Éditions Robert Laffont, 2009

lundi 6 avril 2009

Le cœur et la transition

Avant d'expliquer la façon dont l'initiative de transition s'occupe de la détresse émotionnelle liée aux crises qui menacent nos collectivités et sur l'élaboration d'une vision collective apte à soutenir notre démarche vers une plus grande résilience, j'aimerais citer l'introduction de Rob Hopkins qui a trait à ces sujets. Dans son livre, et c’est bien légitime, Rob Hopkins écrit souvent à la première personne du singulier que j’ai choisi de remplacer par un « nous » inclusif. Il ne s’agit donc pas d’une traduction fidèle, mais plutôt d’une adaptation :

Le pic pétrolier et le chaos climatique peuvent être intenses et inquiétants dans leurs implications et dans les effets qu’ils auront sur nous. De la même façon que la plupart des gens se souviennent d’où ils étaient le 11 septembre 2001 ou, pour les plus vieux, quand le Président Kennedy a été assassiné, la plupart de ceux qui sont conscients du pic pétrolier et du chaos climatique peuvent raconter quand et comment leur prise de conscience est survenue — leur moment End of Suburbia*. Nous pensons qu’en plus de comprendre ces enjeux, il est impératif de ne pas prétendre qu’il s’agit seulement de questions purement rationnelles, de tête. Nous devons également nous préoccuper du cœur et admettre que cette information est troublante, qu’elle nous affecte tous et que la façon dont elle nous affecte détermine en retour comment nous réagirons ou ne réagirons pas.

Un autre concept important abordé dans cette section est celui de l’élaboration d’une vision collective et de la puissance d’une telle vision de l’avenir. Les écologistes tentent trop souvent de pousser les gens à l’action en les effrayant à l’aide de scénarios apocalyptiques. Or, voici la question que pose cette deuxième partie : « Qu’arriverait-il si nous passions à l’action par l’autre bout, en illustrant une vision de l’avenir si attirante que les gens se sentiraient instinctivement attirés par elle ? »

Ce qui suit est une vision créative de ce que [notre vie] pourrait être en 2030 si nous voyons la clé de notre avenir dans une plus grande résilience, des économies plus locales et une consommation d’énergie fortement réduite. Car au sein même des défis que posent le pic pétrolier et le chaos climatique se trouve une occasion en or de réinventer, repenser et reconstruire le monde qui nous entoure.

Au cœur de cette section apparaît, finalement, l’évidence que l’ampleur de cette transition nécessite des ressources personnelles intérieures qui dépassent la simple compréhension abstraite. Ce terrain, relativement nouveau pour le mouvement environnemental, est crucial pour notre succès et essentiel pour mobiliser le nombre de personnes nécessaires à une tâche d’une telle ampleur.

* End of Suburbia est un documentaire, réalisé par Gregory Green en 2004, qui explore l’impact du pic pétrolier sur le mode de vie états-unien. Il est généralement présenté à la population à l'étape de la sensibilisation.

Introduction au cœur de l'affaire

Susciter une prise de conscience sans prévoir les moyens d'en gérer les conséquences est inutile, voire cruel. « Pourquoi prendre conscience de tout ça si j'en sors encore plus découragéE ? » « Ça ne sert à rien. Je fais déjà tout ce que je peux, mais ils (les voisins, les Chinois, les riches, les politiciens, etc.) n'en font pas assez. Moi, je ne peux pas en faire plus ! »

L'intérêt, pour moi, de l'initiative de transition est qu'elle prévoit ces objections légitimes et fournit des réponses : nous reconnaissons que cette prise de conscience provoque des émotions difficiles et nous savons comment les gérer ; nous savons que tout cela doit déboucher sur l'action et nous savons comment élaborer un plan d'action.
Voici les citations que Rob Hopkins a choisies en introduction de la deuxième partie de The Transition Handbook :
Il est préférable de penser à ce qui se passe comme à une révolution, non par les armes, mais de la conscience. Elle sera gagnée en s’appropriant les mythes-clés, les archétypes, les eschatologies et les extases de telle façon que la vie ne semblera pas mériter d’être vécue si l’on n’est pas du côté de cette énergie de changement.
Gary Snyder

Pour sauver la planète, nous n’avons pas besoin de percées technologiques miraculeuses ou d’énormes capitaux. Essentiellement, nous avons besoin d’un changement radical dans notre façon de penser et dans nos comportements.
Ted Trainer

Les incertitudes de notre époque ne justifient pas d’être certains du bien-fondé du désespoir
Vandana Shiva

Récapitulatif — la tête

Avant de passer à la prochaine étape du voyage, son véritable cœur, voici les liens vers les entrées reliées à la compréhension rationnelle des enjeux, c'est-à-dire à la tête :
Il est compréhensible d'être ébranlé émotionellement après avoir pris conscience de l'ampleur des défis qui nous attendent. C'est pourquoi la deuxième étape s'appelle le cœur...

dimanche 5 avril 2009

Saisissant

Vivre est tellement saisissant
qu'il reste bien peu de temps pour autre chose.

Emily Dickinson, poétesse états-unienne

Quel avenir ?

Selon Tony Juniper dans une allocution présentée à Totnes, l'une des premières villes de transition anglaises, en février 2007:

« Nous ne retournons pas à l’Âge de Pierre ou au Moyen-Âge, nous nous dirigeons vers un avenir plus encourageant, plus sécuritaire où les communautés se recréent, où la pollution n’est plus qu’un souvenir, où l’alimentation, l’énergie et la biodiversité sont assurées et où les gens ont des vies longues et confortables. Transmettre une telle vision est très difficile à faire parce que tout ce que l’on peut montrer avec précision c’est le passé. »

En fait, l’idée centrale de la Transition est, selon The Transition Handbook, pp. 212 et 213:

Un avenir sans pétrole peut être préférable à la situation présente, 
SI nous sommes prêts à mobiliser toute notre créativité et notre imagination 
ASSEZ TÔT AVANT la fin de l’ère du pétrole.

Après ce processus, nous ne serons plus les mêmes; nous serons devenus plus humbles, plus près de la Nature, en meilleure forme, plus habiles et, ultimement, plus sages.

Nous émergerons, en clignant des yeux, dans un nouveau mode de vie dans lequel, étrangement, nous nous sentirons plus confortables et qui nous semblera plus familier que ce que nous aurons abandonné.

Nous devons être en mesure de formuler et de présenter une vision alléchante de ce qui peut remplacer la situation actuelle. C'est précisément de quoi il est question dans la deuxième partie de The Transition Handbook : le cœur.

samedi 4 avril 2009

Indices de résilience

Exemples d’indices de résilience d’une communauté locale :
  • % de la consommation totale d’énergie qui dépend de la combustion (qui libère des gaz à effet de serre);
  • % du commerce effectué avec la monnaie locale;
  • % de la nourriture consommée produite dans un rayon de moins de X km;
  • Superficie consacrée au stationnement de véhicules;
  • Degré d’implication des gens dans l’opération de Transition;
  • Trafic sur les routes;
  • Nombre d’entreprises qui appartiennent à des personnes qui habitent dans la localité;
  • % des personnes qui travaillent dans la localité;
  • % de biens essentiels produits à l’intérieur d’un rayon de X km;
  • % de matériaux de construction locaux utilisés dans les nouveaux bâtiments;
  • % de l’énergie nécessaire produite localement;
  • Nombre de jeunes de 16 ans capables de faire pousser correctement 10 variétés de légumes;
  • % de remèdes prescrits produits dans un rayon de moins de X km…
Tiré de The Transition Handbook pp. 174 et 175

Certains de ces indices peuvent surprendre. Celui sur le nombre de jeunes de 16 ans aptes à cultiver des légumes a fait son effet lors de ma présentation à Coaticook...

Résilience

Il est beaucoup question de résilience dans l'initiative de Transition. Bien que mes vénérables dictionnaires ne l'affirment pas, les notions de résilience et de vulnérabilité me semblent être l'endroit et l'envers de la même chose.

Le mot « résilience » a été emprunté à l'anglais où son sens premier, en physique, était la capacité d'un matériau à résister aux chocs. Boris Cyrulnik, médecin, psychiatre et neurologue français a contribué à étendre le sens du mot aux personnes. Comment se fait-il que certaines tombent en morceaux après un choc relativement mineur alors que d'autres arrivent à mener des vies bien remplies après avoir encaissé de graves chocs ?

L'Encyclopédie de L'Agora: Boris Cyrulnik

Boris Cyrulnik - Wikipédia

La notion de résilience peut également convenir à des systèmes complexes comme des collectivités, des systèmes écologiques, informatiques et autres. Par exemple, l'Internet, par sa décentralisation et ses redondances est un exemple de résilience. Des pannes locales ne peuvent empêcher l'ensemble de fonctionner.

Inversement, « vulnérable » s'applique à ce qui peut être blessé ou qui se défend mal. Dans le cas des collectivités, les vulnérabilités peuvent être de nombreux types et leur être plus ou moins spécifiques. Exemples : plus de la moitié des salaires est versée par une seule entreprise (et ses fournisseurs locaux); il existe des risques de pénurie d'eau potable; les inondations et l'érosion augmentent, etc.

Chaque collectivité doit faire son propre inventaire en lien avec ses besoins fondamentaux. Quels sont les besoins fondamentaux des personnes qui habitent ici? Comment sont-ils satisfaits présentement? Qu'arriverait-il si...?

La globalisation de l'économie a fait en sorte que bien peu de collectivités vivent encore en autarcie. La délocalisation et la spécialisation nous ont presque tous fragilisés face à des crises diffuses dans le temps et qui peuvent venir de n'importe où. De plus, la complexité des systèmes impliqués — Nature, cultures, sociétés, économie — et leurs interactions elles aussi complexes rendent toute prévision hasardeuse.

Quoiqu'il en soit, il y aura des collectivités préparées et d'autres qui subiront les événements. Souhaitons que ces dernières soient le moins nombreuses possible.

Villes en transition | Qu'est-ce que la résilience ?