lundi 30 mars 2009

Transition et permaculture

La permaculture (concaténation de permanent et agriculture) est née dans les années 1970. Elle soutient que les habitats humains et les systèmes de production de nourriture ne doivent pas être séparés artificiellement des systèmes écologiques naturels. Il s'agît d'une approche holistique qui voit l'humanité comme une partie intégrale d'un ensemble écologique plus large et non comme une entité séparée. Cette réintégration de l'humain dans la Nature est essentielle à la survie de l'humanité.

L'idée de « prendre soin de l'environnement » est ultimement nuisible si on continue à voir la Nature comme quelque chose de séparé, à l'extérieur de nous. Cette façon de voir est née au siècle des Lumières où les promesses d'une science rigoureuse et féconde en avancées ont commencé à supplanter les superstitions et l'obscurantisme religieux (Jacques Languirand, émission Par 4 chemins du 22 mars 2009, sur Prendre soin du monde de Emmanuel Desjardins). La Nature est sauvage, souvent imprévisible et quelquefois catastrophique. Il faut soustraire l'Homme à ses caprices et la dominer/conquérir/dompter.

La Nature ne sera jamais dominée par l'humanité. Gaïa (le nom donné par James Lovelock à la Terre, organisme vivant) peut très bien se passer de l'humanité mais pas l'inverse. Il est absurde de vouloir « sauver la planète » qui survivra à tout ce que l'on peut lui infliger. Après quelques millions d'années, Gaïa sera dans un autre état relativement stable et d'autres formes de vie seront apparues. Parmi elles, peut être y en aura-t-il plusieurs qui verront l'humanité d'aujourd'hui avec le même regard que celui que nous jetons sur les hommes de Néandertal...

Mais il n'est pas encore trop tard. Il s'agit, en somme, de sauver notre propre espèce en lui faisant franchir une nouvelle étape de développement plus sage et plus naturelle. Ce que Rob Hopkins, en praticien de la permaculture, a compris. En prenant pleinement conscience des chocs que causeront le pic pétrolier et le chaos climatique sur nos sociétés, il a commencé à donner forme à l'initiative de transition. Cette transition est celle d'une société bien plus dépendante du pétrole qu'elle ne peut l'admettre vers des collectivités qui s'organisent pour s'en passer avant d'être obligées de le faire...

Transition et chaos climatique

Les média ont largement fait état de la question des « changements climatiques ». Il me semble inutile d'en rajouter. Sauf deux points qui me semblent importants.

D'abord, j'utilise l'expression « chaos climatique » parce que les expressions « changement climatique » et « réchauffement climatique » sont inadéquates en communication. Les spécialistes savent de quoi il s'agit, mais pas les citoyens ordinaires. « Changement climatique » ne qualifie pas ce qui se prépare : un changement pour mieux ou pour pire ? Et puis, un peu de changement de temps en temps, ça change le mal de place... « Réchauffement climatique » sous nos latitudes et hors canicule semble plutôt un bienfait. Un ou deux degrés de plus, ça ne ferait pas de mal...

Les gaz à effet de serre produits par les humains sont en train de déstabiliser le système complexe qu'est le climat et le pousser vers un chaos dont on ne connaît pas vraiment l'issue. Le chaos en question s'accompagne d'un nombre grandissant d'événements météorologiques extrêmes. Pas partout et pas tout le temps. Mais de plus en plus nombreux et de plus en plus extrêmes. Et les premiers touchés sont... ailleurs.

L'autre point important est lié aux combustibles fossiles. On fait dans certains cercles grand état des immenses réserves de charbon, de pétrole et de gaz qui n'ont pas encore été extraites. Comme si les deux questions n'étaient pas liées. Avant l'ère industrielle (avant la combustion intensive des carburants fossiles) la concentration de CO2 (gaz carbonique) dans l'atmosphère était de 275 PPM (parties par million). Nous en sommes à 390 PPM. Il faudrait, selon de nombreux membres du GIECC (Groupe International d'Experts sur les Changements Climatiques), revenir rapidement à 350 PPM pour éviter le pire.

Brûler ce qui reste ferait monter la concentration de CO2 dans l'atmosphère à 660 PPM, et ce ne sont là que les effets directs. Si on ajoute les effets indirects, fuites, incendies de forêts, mort des océans, fonte du pergélisol, etc. c'est une concentration de 1000 PPM qui serait atteinte. Le film de Al Gore, An Inconvenient Truth/une vérité qui dérange n'allait pas si loin...

Transition et pic pétrolier

Selon Don Paul, l'ex-directeur financier de la pétrolière états-unienne Chevron, dans un discours prononcé en 2007, la croûte terrestre renfermait environ 3 000 milliards de barils de pétrole avant que nous ne commencions à l'extraire. Nous en avons utilisé autour de 1 100 milliards. 800 milliards de barils resteront dans la Terre parce qu'inaccessibles. Il en reste donc autant à extraire que tout ce que nous avons utilisé depuis la fin du 19e siècle ? Super (sans plomb...) !

Le problème est que ce qui reste est de moins bonne qualité, plus difficile à aller chercher et, donc, moins rentable. Pas seulement en dollars : au début du boom pétrolier, 1 unité d'énergie investie dans l'extraction, la transformation et le transport du pétrole rapportait 100 unités d'énergie. Aujourd'hui, 1 unité d'énergie investie dans les sables bitumineux de l'Alberta en rapporte 3. La folie a ses limites et l'investissement énergétique global nécessaire à l'exploitation de plusieurs gisements n'en vaudra tout simplement pas la peine.

Même l'Agence Internationale de l'Énergie (jusqu'ici plutôt conservatrice dans ses prises de position) affirme maintenant que la production a atteint un plateau et qu'au-delà de 2015 la production décroîtra. D'autres disent que le vrai pic a été atteint en 2005. On chipote à propos d'une décennie... Nous avons vécu l'ensemble de notre vie dans un monde où le pétrole était abondant et bon marché (même si individuellement tous n'y ont pas eu accès) mais nos descendants vivront le contraire.

Le vieux renard Matthew Simmons, à la fois banquier de l'industrie pétrolière et chouchou des documentaires sur le pic pétrolier, ajoute deux facteurs qui pourraient contribuer à une baisse accélérée de la production de pétrole: le vieillissement de l'infrastructure et le manque de relève. Selon lui, l'infrastructure pétrolière — plate-formes de forage, pipelines, raffineries, etc. — rouille et souffre d'un grave manque d'entretien, si bien qu'il sera deviendra trop onéreux de réparer ce qui existe alors que, simultanément, le temps et le financement manqueront pour en construire de nouvelles.

Le vieillissement de la main d'œuvre l'inquiète également. Une part importante de la main d'œuvre spécialisée approche de l'âge de la retraite et Simmons ne voit pas de relève se pointer dans le... pipeline (s'cusez !). Détail intéressant: c'est à l'arrivée à la retraite de plusieurs experts de l'industrie que nous devons de voir aujourd'hui les choses sans lunettes roses. L'Association for the Study of Peak Oil (ASPO) a été fondée par des spécialistes de haut niveau qui, retraités, pouvaient enfin révéler les mensonges dont ils avaient été témoins pendant leur carrière.

Pour des articles en français sur les sujets du pic pétrolier et de la dépendance au pétrole dans nos sociétés:

Encyclopédie de la Francophonie | Pic Pétrolier

L'Encyclopédie de L'Agora: Pétrole

Pic pétrolier - Wikipédia

Dépendance au pétrole - Wikipédia

Un point de vue plus alarmiste (page traduite en français):

Wolf at the Door

lundi 16 mars 2009

Nouvel emballage

Un nouveau titre et une nouvelle ambiance pour mon site. La précédente incarnation mettait de l'avant les mots « développement responsable ». Ce choix reflétait le besoin de prendre mes distances par rapport à l'usage que faisaient les pouvoirs publics et économiques des mots « développement durable »: en somme, le même développement qu'avant, mais en faisant un peu plus attention à l'environnement — si ça ne coûte pas trop cher...

L'habitation constitue un domaine important, certes, mais qu'en est-il de l'eau, de la nourriture, des transports, de la société, et cætera? Je ne pouvais m'empêcher d'aborder ces questions dans mon livre sur l'habitation responsable et sur mon site puisque toutes ces questions sont liées.

Le nouvel emballage ne représente donc pas un changement de cap ou l'abandon des questions liées à l'habitation, mais plutôt le désir d'un cadre plus global et plus intégré.

En réalité, le seul développement qui m'intéresse est le développement humain, lequel est sérieusement menacé par les multiples crises qui déferlent sur la planète. Elles touchent la Nature, l'humanité et ses institutions. Chacune de ces crises est complexe et, par surcroît, entretient des relations complexes avec toutes les autres.

Prendre conscience de ces menaces peut être décourageant ou même terrifiant si l'on ne sait pas quoi faire au-delà des « 50 gestes verts pour la sauver la planète ». On sent qu'il faudrait bien plus que de se conformer à ce slogan insignifiant. Mais quoi? Comment? Et qu'attendent les « décideurs »?

À l'automne 2006, mon amie Andrée Mathieu m'a fait découvrir The Natural Step, un puissant outil conçu pour encadrer les démarches d'entreprises et de collectivités vers le développement durable. Il existe donc des cadres pour aborder toutes ces questions d'une façon intégrée et cohérente.

Au même moment, je découvrais sur le site Treehugger les initiatives de communautés britanniques appelées Transition Towns. L'essor rapide de ce mouvement et son approche pragmatique m'intéressent énormément. Ses instigateurs n'attendent pas de financement ni que les « décideurs » soient enfin convaincus de la nécessité d'agir avant de passer à l'action!

Le site du fondateur du mouvement (en anglais) permet, entre autres, de suivre son évolution dans le monde.

The Transition Handbook, est disponible sur le wiki Appropedia.

Il y a aussi cet autre wiki riche en ressources.

Le monde francophone ne sera pas en reste s'il n'en tient qu'à Bernard Lebleu et à ses alliés de langue française. Le site qu'ils ont développé s'étoffera rapidement.